RHN 109/2020 | Call
Organisers: Sarah Réault, maître de conférences en Géographie, and Giovanni Stranieri, chargé d’enseignement en Histoire et en Archéologie médiévales, Saint-Étienne
18–19 November 2020, Université Jean Monnet, 33 rue du 11 novembre, Saint-Étienne, France
Deadline for proposal submissions: 27 September 2020
Call for Papers:
Cycle de journées d’études, 18-19 novembre 2020 – automne 2021 – automne 2022, Saint-Étienne
Les paysages ruraux : un objet d’étude et une source pour les sciences de l’homme et de la société
Résumé
Dans le cadre de son programme de recherche et de formation pluriannuel « Des cailloux sous la langue. Sources matérielles et discours », la structure fédérative de recherche « Approches littéraires, linguistiques et historiques des sources » (ALLHiS) organise un état des connaissances, des problématiques et de la théorisation sur l’étude des paysages ruraux en sciences de l’homme et de la société. Cet état de l’art sera développé au cours de trois doubles journées d’étude, dont les travaux pourront donner lieu à trois publications successives ou à une unique publication finale.
Argumentaire
Dans les domaines des sciences de l’homme et de la société – selon leur définition étendue, entre autres, aux lettres et aux arts, au droit et à l’économie, qui sert de référence au MESRI depuis 2010 – le paysage répond à deux ordres de définitions qui découlent de la même notion polysémique de « forme ». D’une part, le mot indique les formes qui structurent et matérialisent la surface terrestre, donc sa physionomie et sa morphologie. Cette tradition, d’Alexander von Humboldt et Élisée Reclus aux historiens des Annales et à l’archéologie du paysage jusqu’à l’archéogéographie, décrit et interprète les formes paysagères qu’elle considère comme le résultat tridimensionnel, tangible et visible de la transformation perpetuelle de l’espace terrestre produite par l’interaction entre l’homme et l’environnement. D’autre part, c’est dans la sphère de la représentation esthétique et artistique que le mot est apparu dans les langues européennes. Il y indique depuis plusieurs siècles la vue d’une portion de l’espace qui s’offre à un observateur disposant d’un point de vue (physique ou culturel) privilégié et opérant un choix sélectif des objets visibles qui s’en trouveront par là même mises en discours et formalisées voire « artialisées ». Par ailleurs, bien avant l’émergence de la notion générale de « paysage », les hommes, partout et à toute époque, ont nommé certains objets et aspects du paysage, en même temps qu’ils les modifiaient et s’y adaptaient. Or, le seul fait de désigner ces objets marque l’émergence d’un discours et d’une mise en forme de la réalité.
Le paysage se présente donc comme un paradigme fondateur, un outil heuristique et un objet d’étude central pour une étude totale de l’homme en société, à tel point sa construction matérielle et culturelle se situe au carrefour des transformations et de la mise en scène du monde de la part des sociétés humaines au fil de leur histoire. D’autre part, les formes des paysages actuels, celles qui ont été observées, sélectionnées, mises en image ou en discours à un moment quelconque ou encore celles que révèle une enquête archéologique, sont le résultat de la transmission et de la transformation de formes plus anciennes dont elles portent l’empreinte. À ce titre, les formes paysagères et leurs représentations peuvent être érigées en source dans le cadre de toute autre enquête diachronique portant sur les objets et les problèmes les plus divers, y compris en sciences de la nature.
Après le « tournant spatial » des années 1990, les SHS semblent être en mesure de mener de front une étude transdisciplinaire du paysage, en construisant un discours commun. Celle-ci doit être tout à la fois matérielle et sociale et traduire tout autant l’organisation géométrique et relationnelle de l’espace que la construction du paysage bâti et planté ainsi que la production d’une conscience spatiale des sociétés. Ce constat constitue le point de départ de la réflexion que nous proposons à nos intervenants et à nos étudiants : en effet, si l’arsenal théorique est impressionnant, la collaboration pluri-, inter- voire transdisciplinaire reste, sur le terrain, souvent assez limitée. C’est pourquoi la première exigence de ce cycle de rencontres sera la dimension théorique et épistémologique : chaque chercheur sera invité à définir sa propre notion de paysage, son vocabulaire, ses enjeux heuristiques, ses sources, les corpus qu’il est en mesure de construire.
Deuxièmement, nous proposons de limiter le champ de réflexion aux paysages ruraux. Ce choix est dicté par un souci d’efficacité et d’homogénéité. En effet, l’étude des paysages ruraux embrasse, dans toutes nos disciplines, une masse de problèmes et d’approches, en constante évolution, assez large pour ne pas y mêler les problèmes liés aux paysages urbains ou maritimes ou encore industriels.
Le troisième attendu porte sur la nécessité d’offrir des exemples concrets d’enquêtes pour lesquelles le paysage – dans l’une ou plusieurs de ses définitions – constitue un paradigme de médiation, un objet d’étude ou encore un gisement d’information essentiel à éclairer d’autres objets d’étude. La confrontation entre chercheurs venant de différents champs disciplinaires sera la règle, des historiens aux archéologues, des géographes aux architectes, urbanistes et designers, des historiens de l’art et de la littérature aux anthropologues et aux linguistes, des sociologues aux juristes et aux économistes (la liste n’est pas exhaustive). Chaque rencontre sera conçue comme une action de formation et de recherche, c’est pourquoi tant les cas d’étude que les bilans historiographiques et les réflexions théoriques seront les bienvenus. La volonté affichée de marier recherche et formation se traduira à chaque rencontre par l’organisation de conférences, d’ateliers et d’une table ronde.
Un tel état de l’art sera déployé sur trois ans et trois rencontres, de la durée de deux journées chacune. À l’occasion de la première rencontre, à l’automne 2020, nous nous concentrerons sur les composantes matérielles des paysages ruraux : géomorphologie et pédologie, hydrographie, végétation, infrastructures et bâti, etc. Il sera donc question des témoins, des témoignages et des représentations portant sur l’utilisation du sol (ressources, production, peuplement), dans une approche synchronique ou diachronique, matérielle et culturelle : écosystèmes et ressources du sol, du sous-sol et des littoraux (chasse, pêche et cueillette, sources d’énergie, pierre, argile, sel, minerais, etc.) ; peuplement végétal (marges et végétation spontanée, espaces sylvicoles, espaces agro-pastoraux, cultures) ; habitat et peuplement. Les implications contemporaines sont évidentes : la pression anthropique sur les écosystèmes, l’agriculture du futur, le débat sur l’Anthropocène, etc. Si la dimension matérielle apparaît prépondérante, ces formes du paysage rural traduisent et construisent également un espace social, un « monde rural », aux fortes implications culturelles et symboliques. Que l’on pense, par exemple, à la possibilité d’étudier les paysages agraires antiques à la fois par les fouilles et la photographie aérienne, les textes gromatiques ou agronomiques, les codes juridiques, les récits de voyage et la poésie bucolique. Il s’agira donc, ici comme au cours des deux rencontres qui suivront, de faire émerger de nouvelles synergies en SHS pour une étude transdisciplinaire du discours et du support matériel, du discours sur le support matériel, du discours que le support matériel traduit ou sous-entend voire encore du discours dont le support matériel est le produit.
La deuxième rencontre se déroulera à l’automne 2021 et sera consacrée aux structures et aux relations spatiales que les formes des paysages ruraux révèlent, traduisent et portent. À travers leurs formes actives ou fossilisées émergent, en effet, les modalités, présentes et passées, de l’organisation et de l’appropriation de l’espace, entre realia et représentations : appropriation du sol (frontières, délimitations linéaires et bornages, clôtures, aménagements à caractère défensif et pour le contrôle du territoire, grandes structures funéraires et cultuelles, etc.) ; occupation du sol (réseaux d’habitats, parcellaires agraires, rapport entre terroirs et incultum) ; connexions, flux et réseaux (voirie, stockage, marchés et foires…). La dimension matérielle entretient ici une relation féconde avec la dimension juridique et institutionnelle des paysages ruraux (statut de la terre, droits de propriété et usage, rapports de production, projection dans l’espace des intentions, des intérêts et des conflits entre les acteurs en présence…) et donc avec la sphère politique et sociologique.
Enfin, la troisième rencontre portera sur la dimension cognitive, symbolique et culturelle des paysages ruraux, jusqu’à toucher les questions patrimoniales et même les relations « entre ciel et terre », pour citer Joseph Morsel. On y étudiera les modes de représentation de la forêt, de la campagne, de la montagne propres à chaque société et à chaque époque (absence de représentation, répulsion ou attraction, vision esthétisante, idyllique, arcadisante…). On pourra préciser les processus qui font de la campagne, autrefois le lieu de vie de l’écrasante majorité de l’humanité, un Éden idéalisé, un patrimoine et un héritage. Les paysages ruraux sont ainsi un produit mais aussi un acteur des identités individuelles et des idéologies communautaires, à toutes les échelles, de que l’on appelle « identités spatiales » ou formes spatiales des identités. Là aussi, des défis actuels pourront être relevés : la questions des biens communs (des terres communes médiévales au partage de ressources qui est en plein essor aujourd’hui), les politiques agricoles et environnementales, la patrimonialisation accrue de nos sociétés et ses limites, l’artificialisation de la biosphère et de la vie humaine, la relativisation des distances. Encore une fois, le croisement des approches matérialistes et culturelles sera de mise, avec sans doute une plus grande disponibilité d’exemples pour les secondes.
Modalités et calendrier de proposition
Nous nous inscrivons d’emblée dans une perspective triennale, c’est pourquoi l’argumentaire ci-dessus porte sur la totalité du projet. Cependant, ce premier appel à communication ne porte que sur la première édition. Un nouvel appel à communication sera diffusé en vue de la préparation de la deuxième et de la troisième rencontre.
Pour la première édition, les propositions de communication, avec titre et résumé, sont à envoyer à l’adresse suivante : giovanni.stranieri@univ-st-etienne.fr
avant le 27 septembre 2020.
La notification d’acceptation sera envoyée le vendredi 2 octobre 2020.
Contact details
Giovanni Stranieri, giovanni.stranieri@univ-st-etienne.fr
Sarah Réault, sarah.reault@univ-st-etienne.fr
Source: https://calenda.org/798313