Call for Papers: Ressources et empires. La construction sociale des écosystèmes impériaux

  • 2024-05-06T16:40:46+02:00

RHN 62/2024 | Call

Organisers: J. Bermúdez, A. Duranton, A. Roullet, J.-P. Zúñiga

February 2025, Campus Condorcet, Paris, France

Deadline for Submissions: 15 June 2024

 

***English Version below***

Call for Papers:
Ressources et empires. La construction sociale des écosystèmes impériaux

La conquête de l’Amérique par les Espagnols est habituellement considérée comme le début de bouleversements démographiques, économiques et écologiques à l’échelle planétaire. Qu’il s’agisse de l’hécatombe démographique provoquée par la combinaison létale entre exploitation de la main d’œuvre et choc microbien, ou de la destruction des écosystèmes préhispaniques sur l’autel de l’extractivisme colonial, un fil conducteur relie les analyses les plus classiques : l’articulation entre conquête, extractivisme et destruction des milieux et des humains. Ainsi, « l’impérialisme écologique » cher à Alfred Crosby, tout comme l’approche plus localisée d’Elinor Melville, décrivaient la destruction des plantes indigènes par le bétail et la fin d’une agriculture intensive irriguée au profit d’un pastoralisme extensif, sur des terres désertifiées, et d’un paysage par conséquent entièrement « centré sur l’animal ». En allant plus loin, Simon Lewis et Mark Maslin ont pu avancer que la disparition des milliers d’hectares autrefois cultivés par les populations amérindiennes et rendus à la forêt expliqueraient le « petit âge glaciaire » dès la fin du xvie siècle. Ces approches et les débats qu’elles ont suscités, laissent de nombreuses questions en suspens. Que doit-on comprendre au juste par « impérialisme écologique » ? La notion de catastrophe écologique (« a plague of sheep ») est-elle pertinente quel que soit le contexte et le moment ? Les notions de résilience, d’appropriation, de négociation, ont-elles une place dans la compréhension des transformations écologiques provoquées par les invasions européennes ? Jusqu’à quel point une notion comme celle d’« extractivisme » est-elle appropriée pour des réalités pré-industrielles ? La prédation des sociétés humaines sur leur environnement a-t-elle commencé avec l’industrialisation ? Est-elle consubstantielle au colonialisme ? Existe-t-elle dans les sociétés préhispaniques ? Est-elle uniquement liée à l’extractivisme ?

Ce colloque se propose de remettre sur l’établi les grands modèles nés dans les 1980 grâce à la mise en travail de trois domaines et de trois historiographies qui ont peu dialogué jusqu’à présent : l’histoire de l’empire espagnol, l’histoire environnementale et l’histoire sociale. L’objectif est de réintroduire les méthodes de l’histoire sociale afin de reconsidérer les grands récits et les grands concepts, les approches macroscopiques, à l’aune d’analyses fondées sur les acteurs et sur la variété des contextes spécifiques. Ce dialogue peut s’avérer d’autant plus fertile que l’histoire environnementale concernent pour l’essentiel les xixe et xxe siècles. L’Amérique préindustrielle y apparaît ainsi largement comme une terra incognita. Ce colloque, nous l’espérons, sera l’occasion de décloisonner les questionnaires et de réinterroger l’histoire impériale à la lumière des grandes problématiques traitées postérieurement par l’histoire environnementale. Quatre thématiques d’analyses sont privilégiées et sont susceptibles d’accueillir des communications qui auront à cœur de replacer les approches impériale et environnementale à l’échelle des cycles de vie des acteurs.

  1. Ressources naturelles et ressources démographiques. Cette thématique se propose d’explorer les liens entre histoire environnementale et histoire du travail, en interrogeant les rythmes et les modalités de la transformation du milieu à partir des dynamiques de coercition et de discipline notamment pour ce qui est de la disponibilité et de la captation de la main d’œuvre dans un contexte démographique catastrophique et dans une situation coloniale, tout comme pour ce qui est de la régulation politique, urbaine et corporative de l’exploitation des ressources.

  2. Ordre social et transformations écologiques. Cette thématique explore les rapports sociaux qui sous-tendent toute transformation écologique, de l’exercice du pouvoir aux luttes pour le pouvoir en matière d’usages des ressources que ce soit pour réévaluer, par exemple, l’ « agency » des communautés indiennes face aux autorités coloniales ou de relire les archives produites par les politiques de questionnaire de la monarchie espagnole (visitas, relaciones, etc…) dans son organisation territoriale sur le continent américain (congregaciones, créations de villes nouvelles, déplacements de centres urbains…).

  3. Pénurie, mise sur le marché et gestion des ressources. Cette thématique interroge le préjugé circulatoire qui pèse sur les ressources impériales et entend examiner la tension entre économie de subsistance et économie marchande, les formes d’exploitation et de marchandisation (commodification) des ressources, et la fabrication de leur valeur locale et commerciale, à la lumière des contraintes biologiques ou matérielles (pénuries locales, difficulté du transport et de conservation), de leur viabilité économique dans une situation où les marchés sont segmentés et spatialisés différemment selon chaque ressource et où les possibilités et les incapacités d’exploitation d’une ressource diffèrent beaucoup d’un cas à l’autre.

  4. Constructions locales du paysage. Comment les rapports sociaux entre les acteurs, décelables uniquement à l’échelle locale, permettent-ils de comprendre la configuration spécifique des ressources, des campagnes et des pratiques de production ? Peut-on expliquer uniquement par le relief les formes du paysage morcelées des exploitations des hautes vallées d’Antioquia en Nouvelle Grenade, celles des grandes estancias du Chili central ou du no man’s land rioplatense ? Quelles sont les rapports qui s’établissent entre milieux, savoir-faire, démographie et évolution des paysages ?

Appel à communication en français, espagnol, anglais

 

Calendrier et modalités de soumission

Nous recevons toute proposition concernant XVI-XVIIIe siècles sur tous les espaces américains et toutes les dominations coloniales, présentée en 5.000 caractères maximum, avant le 15 juin 2024, à l’une des adresses suivantes : jeronimo.bermudez@ehess.fr, antoine.duranton@ehess.fr, antoine.roullet@ehess.fr ou jean-paul.zuniga@ehess.fr.

Le colloque se tiendra en février 2025.

 

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Call for Papers:
Empire & Natural Resources. The social construction of imperial ecosystems

The Spanish conquest of America is usually seen as the beginning of demographic, economic and ecological upheaval on a global scale. Whether we are talking about the demographic hecatomb caused by the lethal combination of labour exploitation and microbial shock, or the destruction of pre-Hispanic ecosystems on the altar of colonial extractivism, a common thread runs through the most classic analyses: the link between conquest, extractivism and the destruction of environments and humans. Both Alfred Crosby's "ecological imperialism" and Elinor Melville's more localised approach described the destruction of indigenous plants by cattle and the end of intensive irrigated agriculture in favour of extensive pastoralism. The result was a desertified, “animal-centred” landscape. Going a step further, Simon Lewis and Mark Maslin have suggested that the disappearance of thousands of hectares of land once farmed by the Amerindian populations and returned to the forest could explain the "Little Ice Age" as early as the late 16th century. These approaches and the debates they have sparked off leave many questions unanswered. What exactly is meant by "ecological imperialism"? Is the notion of ecological disaster ("a plague of sheep") relevant whatever the context and the time? Do the notions of resilience, appropriation and negotiation have a place in understanding the ecological transformations brought about by the European conquests? To what extent is a concept like 'extractivism' appropriate for pre-industrial realities? Did the predation of human societies on their environment begin with industrialisation? Is it consubstantial with colonialism? Did it exist in pre-Hispanic societies? Is it linked solely to extractivism?

The aim of this conference is to revisit the major models that emerged in the 1980s by bringing together three fields and three historiographies that have had little dialogue until now: the history of the Spanish empire, environmental history and social history. The aim is to reintroduce the methods of social history in order to reconsider the major narratives and concepts as well as the macroscopic approaches, in the light of analyses based on the actors and the variety of specific contexts. This dialogue may prove all the more fertile given that environmental history essentially concerns the nineteenth and twentieth centuries. Preindustrial America thus appears largely as terra incognita. We hope that this symposium will provide an opportunity to break down the barriers between the disciplines and to reexamine imperial history in the perspective of the major issues subsequently addressed by environmental history. Four themes of analysis are favoured and are likely to host papers that will be keen to place the imperial and environmental approaches in the context of the life cycles of the players involved.

  1. Natural and demographic resources. The aim of this theme is to explore the links between environmental history and the history of work, by examining the rhythms and methods of the transformation of the environment based on the dynamics of coercion and discipline, particularly in terms of the availability and captation of labour in a catastrophic demographic context and in a colonial situation, as well as in terms of the political, urban and corporate regulation of the exploitation of resources.
  1. Social order and ecological transformations. This theme explores the social relations that underlie any ecological transformation, from the exercise of power to the struggles for power over the use of resources, whether to reassess, for example, the 'agency' of Indian communities in the face of colonial authorities, or to reread the archives produced by the questionnaire policies of the Spanish monarchy (visitas, relaciones, etc.) in its territorial organisation on the American continent (congregaciones, creation of new towns, displacement of urban centres, etc.).

  2. Scarcity, marketing and resource management. This theme questions the circulatory prejudice that hangs over imperial resources, and aims to examine the tension between subsistence and market economies, the forms of exploitation and commodification of resources, and the manufacture of their local and commercial value, in the light of biological or material constraints (local shortages, difficulties of transport and conservation), and their economic viability in a situation where markets are segmented and spatialised differently for each resource, and where the possibilities and incapacities of exploiting a resource differ greatly from one case to another.
  1. Local constructions of the landscape. How can the social relationships between players, which can only be detected on a local scale, help us to understand the specific configuration of resources, countryside and production practices? Can the fragmented landscapes of the high valleys of Antioquia in New Grenada, the large estancias of central Chile or the no-man's-land of Rioplatense be explained solely by the terrain? What relationships are established between environments, know-how, demography and landscape evolution?

 

Submission schedule and terms

We welcome all proposals concerning the sixteenth to eighteenth centuries on all American spaces and all colonial dominations, presented in a maximum of 5,000 characters, before 15 June 2024, to one of the following addresses: jeronimo.bermudez@ehess.fr, antoine.duranton@ehess.fr, antoine.roullet@ehess.fr or jean-paul.zuniga@ehess.fr.

 

Call for papers in French, Spanish, English

 

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Source: EHESS